Chapitre 30

 

Pour les chasseurs de Chandalen, Kahlan répéta sa déclaration dans la langue du Peuple d’Adobe.

Une dernière fois, Richard regretta que son épouse n’ait pas eu raison. S’il s’était agi du Cabrioleur, ils auraient su comment agir.

Entendre l’Inquisitrice revenir sur sa position après l’avoir défendue si fermement inquiéta tout le monde – à juste titre, il fallait l’avouer.

Le Sourcier dévisagea leurs compagnons et ne lut plus le moindre doute dans leurs yeux. La « conversion » de Kahlan venait de bouleverser leur vision du monde.

Un lourd silence tomba sur la plaine.

Richard devait mettre au point un plan, mais il ne savait pas par où commencer. Au village, face à Zedd, il avait eu une chance d’infléchir les événements. Obsédé par le danger qui rôdait autour d’eux, il n’avait pas su la saisir.

Il était très loin de ses bois adorés, et il aurait donné cher pour y retourner. Là-bas, il ne s’était jamais perdu et n’avait pas une seule fois guidé un groupe de voyageurs tout droit vers un… gouffre.

— Du Chaillu, dit-il en se tournant vers la femme-esprit, pourquoi as-tu fait un si long chemin ?

— Le Caharin daigne enfin s’intéresser à moi ? lança agressivement la Baka Tau Mana.

Elle était furieuse, et Richard n’aurait su dire pourquoi. En toute franchise, il n’en avait pas grand-chose à faire.

— Alors, pourquoi es-tu venue ?

— Nous avons voyagé pendant des semaines surmonté de terribles épreuves, laissé en chemin les tombes de plusieurs de nos compagnons. Pour arriver jusqu’à Richard le Sourcier, il nous a fallu combattre et verser beaucoup de sang.

» Afin de prévenir notre Caharin nous avons abandonné nos familles, puis voyagé sans relâche, souvent sans manger ni dormir. Certaines nuits, dans des abris de fortune, nous avons pleuré ensemble, terrorisé par ce qui nous attendait le lendemain, le cœur serré à cause du mal du pays…

» J’ai fait tout cela avec dans mon ventre l’enfant que tu m’as demandé de garder, alors que je serais allée voir une femme-médecine pour m’en débarrasser, et effacer de ma mémoire d’affreux souvenirs. À présent, le Caharin refuse d’assumer la responsabilité de la naissance à venir, et il ne m’est pas reconnaissant d’avoir agi comme il me le demandait.

» Sait-il au moins que mon ventre rond me rappelle chaque jour les mois que j’ai passés entre les mains des Majendies, enchaînée nue dans une cellule puante ? Et l’horrible façon dont cet enfant fut conçu ? Et les rires de ces porcs, quand ils se congratulaient, après avoir abusé de moi ?

» Caharin, imagines-tu que j’avais peur, chaque soir, que mon exécution soit pour le lendemain ? Penses-tu à ce que j’éprouvais à l’idée que mes enfants – ceux que j’ai voulus – grandiraient sans moi ?

» Pourtant, j’ai gardé la graine semée par ces porcs, parce que Richard le Sourcier me l’avait demandé !

» Aujourd’hui, quand son peuple brave la mort pour le rejoindre, daigne-t-il lui accorder plus d’attention qu’aux piqûres de puce qu’il doit parfois gratter sur ses bras ? Nous a-t-il demandé des nouvelles de notre terre natale ? Daigne-t-il s’asseoir avec nous un moment pour que nous fêtions nos retrouvailles ? Veut-il simplement savoir si nous vivons en paix ? Allons, il n’a même pas pensé que nous avions peut-être faim ou soif !

» Depuis qu’il nous a revus, il est brutal, il crie et il affirme que nous ne sommes pas son peuple ! Dans son arrogance, il foule aux pieds les lois sacrées que nous respectons depuis des siècles, parce que son ignorance, croit-il, l’autorise à les tenir pour des superstitions sans importance. Sait-il combien de Baka Ban Mana sont morts pour qu’il puisse un jour apprendre des maîtres de la lame l’art du combat qui lui a si souvent sauvé la vie ?

» En vérité, il se soucie autant de son peuple que de la poussière que soulèvent les semelles de ses bottes. Quant à son épouse légitime, selon des lois ancestrales, il est allé jusqu’à l’oublier, comme si elle était un vulgaire chiffon qu’il aurait jeté dans un coin en attendant d’en avoir de nouveau besoin !

» Les anciens mots nous annonçaient la venue d’un Caharin. Ont-ils jamais dit qu’il respecterait son peuple et les coutumes qui l’ont aidé à survivre loin de sa terre natale et entouré d’ennemis ? Bien entendu que non ! Mais j’avais espéré qu’un homme d’honneur aurait quelques égards pour ceux qui ont tant souffert en son nom !

» Tu as tué mes cinq maris, et j’ai sangloté en secret afin que mon chagrin ne te bouleverse pas. Mes enfants sont devenus des orphelins, et je ne les ai jamais entendus se plaindre ou te maudire ! Mais le soir, avant de s’endormir, ils pleurent parce les hommes qui venaient les embrasser et leur souhaiter de rêver à leur terre natale ne sont plus là pour les cajoler. T’es-tu jamais demandé, Richard le Sourcier, comment mes enfants et moi supportions la solitude et le désespoir ?

» Pourquoi te serais-tu donné cette peine ? Mon nouveau mari, selon les anciens mots, épouse d’autres femmes, et il délaisse la première ! Il la méprise même tellement qu’il oublie d’en parler à sa nouvelle compagne !

Du Chaillu leva fièrement le menton.

— Ainsi, tu t’intéresses enfin à moi, disposé à m’écouter raconter notre terrible voyage ? Te serais-tu avisé que j’avais peut-être des choses intéressantes à dire ?

La femme-esprit cracha aux pieds de Richard.

— Tu me fais honte !

Du Chaillu croisa les bras et tourna le dos au Sourcier.

Non loin de là, les maîtres de la lame regardaient le ciel comme s’ils n’avaient rien entendu, trop occupés à admirer, les nuages…

— Du Chaillu, grogna Richard, à bout de patience, ne m’accuse pas de la mort des trente guerriers ! J’ai tout tenté pour ne pas les affronter, tu le sais très bien ! Ne t’ai-je pas suppliée d’empêcher un massacre ? Tu en avais le pouvoir, et tu ne l’as pas fait. Cette tuerie m’a dégoûté, mais je n’avais pas le choix.

La femme-esprit tourna la tête et foudroya son « mari » du regard.

— C’est faux ! Tu aurais pu décider de mourir au lieu de tuer ! Parce que tu m’avais sauvée des Majendies, je m’étais engagée, si tu ne résistais pas, à ce que ta fin soit rapide. Un mort au lieu de trente ! Si tu étais vraiment noble et soucieux de préserver la vie, tu aurais opté pour cette solution !

Richard serra les mâchoires et braqua un index vengeur sur Du Chaillu.

— Tu aurais voulu que je me laisse tailler en pièces ? Alors que tu me devais la vie ? Si j’étais mort, ce jour-là, des milliers d’innocents ne seraient plus de ce monde aujourd’hui. Tu sais que j’ai évité une série de massacres ! Et tu ne comprends rien à tout ce que j’ai fait ensuite !

— Tu te trompes, mon mari, lâcha Du Chaillu. Je comprends bien plus de choses que tu le penses… et le souhaites.

— Seigneur Rahl, intervint Cara, excédée, si vous n’apprenez pas à mieux gérer vos épouses, nous n’aurons plus un moment de tranquillité. (Elle avança vers la femme-esprit, et, au passage, souffla à Richard :) Je vais lui parler de femme à femme. En principe, je devrais pouvoir retirer ce caillou de votre chaussure…

La Mord-Sith prit Du Chaillu par le bras pour l’entraîner à l’écart. Aussitôt, six épées jaillirent hors de leur fourreau, et les maîtres de la lame avancèrent vers leur femme-esprit faisant voler leur arme d’une main à l’autre à une vitesse presque trop élevée pour un œil humain.

Les chasseurs de Chandalen vinrent leur barrer le chemin. En une fraction de seconde, on était passé d’une paix armée au prélude d’une boucherie.

— Arrêtez ça ! cria Richard. (Il se plaça devant les deux femmes.) Cara, lâche-la ! C’est la femme-esprit des Baka Tau Mana, et tu n’as aucun droit de la toucher. Après des millénaires à subir les persécutions des Majendies, nos amis détestent qu’un étranger pose la main sur l’un d’entre eux. Et on peut les comprendre…

La Mord-Sith obéit mais aucun des deux groupes de guerriers n’entendait être le premier à reculer. Les Hommes d’Adobe estimaient que des étrangers venaient de se montrer agressifs sur leur territoire, et les Baka Tau Mana pensaient devoir défendre leur femme-esprit. La tension étant à son maximum, il suffirait d’un rien pour que le premier coup parte. Ensuite, il ne resterait plus qu’à compter les cadavres.

— Écoutez-moi ! cria Richard, une main levée.

Il tendit l’autre et, sur le cou de Du Chaillu, chercha la lanière de cuir qui devait être cachée par le col de sa robe. À son grand soulagement, il la trouva.

Les chasseurs écarquillèrent les yeux quand il exhiba le petit objet en os qui pendait au bout de la lanière.

— L’Homme Oiseau m’avait donné ce sifflet…

Le Sourcier se tourna vers Kahlan et lui souffla de traduire ses propos.

— Vous vous souvenez du jour où il m’a fait ce cadeau, en gage d’amitié ? Du Chaillu, comme Chandalen, a pour mission de défendre son peuple. Certain que l’Homme Oiseau approuverait, parce qu’il est épris de paix, je lui ai donné le sifflet afin qu’elle puisse appeler des oiseaux et leur ordonner de dévorer les semailles de ses ennemis. Quand ils comprirent qu’ils risquaient de mourir de faim, les Majendies consentirent enfin à signer un traité. Ces deux peuples ont cessé de se massacrer, et ils le doivent à l’Homme Oiseau !

» Les Baka Tau Mana ont une dette envers le Peuple d’Adobe. Et vous, fiers chasseurs, vous devez leur être reconnaissants d’avoir utilisé le sifflet pour faire le bien, pas le mal. Car ce fut une manière d’honorer l’Homme Oiseau et tous les siens ! Grâce à vous, les enfants des Baka Tau Mana vivent en paix !

» Deux peuples peuvent-ils avoir des liens plus amicaux ?

Dans un silence de mort, les guerriers prirent le temps de réfléchir à la tirade du Sourcier.

Puis Jiaan posa son épée sur son épaule, la lâcha et la laissa pendre dans son dos au bout de la corde passée autour de son cou. Enfin, il écarta sa tunique et montra sa poitrine nue à Chandalen.

— Nous remercions le Peuple d’Adobe de nous avoir aidés avec sa puissante magie. Nous ne nous battrons pas aujourd’hui, et si vous voulez verser notre sang, nous ne ferons pas un geste pour nous défendre.

Chandalen releva sa lance puis posa l’embout sur le sol sacré de sa terre natale.

— Richard Au Sang Chaud a bien parlé ! Nous sommes heureux que vous ayez utilisé notre cadeau pour faire la paix. Soyez les bienvenus sur notre territoire.

De la voix et du geste, Chandalen ordonna à ses chasseurs de reculer.

Richard soupira de soulagement et remercia les esprits du bien d’être venus à son secours.

— Je vais avoir une petite conversation avec Du Chaillu, annonça Kahlan.

À son tour, elle prit le bras de la femme-esprit.

Les Baka Tau Mana n’apprécièrent pas ce geste, mais ils semblèrent ne pas trop savoir comment réagir.

Richard aussi avait quelques doutes sur l’initiative de sa femme, car cela risquait de rouvrir les hostilités. Mais à voir l’expression de l’Inquisitrice, il comprit qu’essayer de la faire changer d’avis serait une perte de temps.

— Mes amis, dit-il aux maîtres de la lame, Kahlan, mon épouse, est la Mère Inquisitrice que tous les peuples du Nouveau Monde respectent et écoutent. Le Caharin vous donne sa parole que Du Chaillu n’a rien à craindre. Et si je me trompe j’en répondrai sur ma vie.

Les six guerriers hochèrent la tête. Richard ignorait s’il était à leurs yeux plus ou moins puissant que la femme-esprit. Mais son ton assuré paraissait les avoir convaincus. Et de toute façon, les maîtres de la lame le respectaient. Pour avoir vaincu trente de leurs frères d’armes, bien entendu. Mais surtout parce qu’il leur avait rendu leur terre natale…

Campé près de Cara, le Sourcier regarda Kahlan s’éloigner dans les hautes herbes en compagnie de Du Chaillu.

— Seigneur Rahl, souffla la Mord-Sith, vous pensez que c’est prudent ?

— J’ai confiance en Kahlan… Et avec tous ces problèmes, nous ne pouvons plus nous permettre de perdre du temps.

Cara saisit son Agiel et le contempla un long moment en silence.

— Seigneur Rahl, si la magie est défaillante, la vôtre est-elle déjà touchée ?

— Espérons que non !

Cara suivit Richard comme son ombre tandis qu’il approchait des maîtres de la lame.

— Jiaan, dit-il, Du Chaillu m’a parlé des compagnons que vous avez perdus en chemin. Combien avez-vous eu de morts ?

— Trois guerriers, répondit le Baka Tau Mana en rengainant son épée.

— Au combat ?

L’air gêné, Jiaan écarta une mèche de cheveux noirs de son front.

— Un seul… Les deux autres ont eu des accidents.

— Liés au feu ou à l’eau ?

— Pas l’eau, non… Mais alors qu’il montait la garde, un homme est tombé dans le feu de camp, et il a brûlé vif avant que nous ayons le temps de réagir. Ce soir-là, nous avons supposé qu’il avait trébuché et s’était assommé dans sa chute. À présent, je me demande s’il n’a pas été victime d’un Carillon.

Richard hocha tristement la tête et murmura le nom du Carillon lié au feu : Sentrosi.

— Et l’autre accident ?

— Sur une corniche, un guerrier a soudain cru qu’il pouvait voler.

— Voler ?

— Mais il est tombé dans le vide comme un rocher.

— Il n’aurait pas glissé, tout simplement ?

— J’ai vu son visage, juste avant son « envol ». Il souriait comme le jour où il a revu notre terre natale.

Accablé, Richard murmura le nom du troisième Carillon : Vasi… Reechani, Sentrosi, Vasi – l’eau, le feu et l’air – avaient fait de nouvelles victimes.

— Les Carillons ont également tué des Hommes d’Adobe. J’ai cru un moment qu’ils ne s’éloigneraient pas de Kahlan et de moi, mais je me trompais. À l’évidence, ils frappent partout.

Derrière les six maîtres de la lame, Richard vit que les Hommes d’Adobe, après avoir aplani un carré d’herbe, s’apprêtaient à allumer un feu de cuisson.

— Chandalen ! appela le Sourcier. Pas de flammes !

— Pourquoi ? demanda le chef des chasseurs tandis que Richard le rejoignait. Si nous devons camper ici, il est temps de faire à manger et d’inviter nos nouveaux amis.

— Les mauvais esprits qui ont tué Juni sont liés à l’eau et au feu. Désolé, mais tu devras empêcher les tiens de faire cuire leur nourriture. Sinon, ils risquent d’attirer les monstres…

— Tu en es sûr ?

Richard posa une main sur l’épaule de Jiaan.

— Les Baka Tau Mana sont aussi forts et résistants que les Hommes d’Adobe. Pendant leur voyage, un guerrier a été tué par un mauvais esprit tapi dans un feu.

— Il a brûlé avant que nous ayons compris ce qui arrivait, confirma Jiaan. Cet homme était courageux et aguerri. Pas du genre à succomber sans résister face à un ennemi. Mais il est mort sans avoir le temps de dire un mot…

Les mâchoires serrées, Chandalen sonda un instant la plaine avant de tourner vers Richard.

— Sans feu, comment mangerons-nous ? Nous devons faire cuire le tava et la viande. Crue, la pâte à pain n’est pas consommable, et nous détestons la chair sanguinolente. Nos femmes ont besoin des fours pour cuire les poteries, et les chasseurs, pour forger leurs armes. Richard Au Sang Chaud, nous ne pourrons plus vivre !

— Je sais, et malheureusement, je ne puis te dire que faire… Mais le feu attirera de nouveau les Carillons chez vous. Je te donne le seul conseil qui, à ma connaissance, soit susceptible de protéger les tiens.

» Si vous êtes contraints de faire du feu, n’oubliez jamais que c’est dangereux. En étant très prudents, vous vous en tirerez peut-être sans trop de dégâts.

— Et si l’eau aussi est dangereuse, devrons-nous cesser de boire ?

— Chandalen, j’aimerais connaître les réponses à toutes ces questions. (L’air accablé, Richard se passa une main sur le front.) Nous savons que l’eau, le feu et tous les endroits qui dominent des gouffres sont dangereux. Les Carillons peuvent s’en servir pour nous nuire, et il est plus prudent d’en rester aussi loin que possible.

— Même si nous prenons ces précautions, les Carillons continueront à tuer, n’est-ce pas ?

— Là encore, j’ignore la réponse. Je te dis tout ce que je sais, pour que tu protèges les tiens. Mais il peut y avoir d’autres dangers dont je n’ai pas connaissance…

Chandalen plaqua les poings sur les hanches, sonda la plaine du regard et se plongea dans une intense méditation. Respectant son silence, Richard attendit qu’il reprenne la parole.

— Tu es sûr qu’un de nos enfants est mort-né à cause des Carillons ?

— Hélas, oui…

— Et comment ces mauvais esprits sont-ils arrivés dans notre monde ?

— Sans le vouloir ni le savoir, Kahlan les a invoqués quand elle a prononcé leurs noms pour me sauver la vie. Donc, on peut considérer que tout est ma faute.

Chandalen prit le temps d’assimiler cet aveu de Richard.

— La Mère Inquisitrice n’a jamais voulu nuire à personne, et toi non plus. Pourtant, c’est à cause de vous que les Carillons sont là ?

Son inquiétude évaporée, Chandalen parlait à présent avec l’autorité d’un chef. Après tout, il était un protecteur et un ancien – donc responsable de la sécurité des siens à plus d’un titre.

Les Hommes d’Adobe et les Baka Tau Mana avaient un grand nombre de valeurs en commun. Pourtant, ils étaient passés près de s’entre-tuer. Au début, Chandalen et Richard avaient eu une relation franchement conflictuelle. Mais ils avaient enfin compris que leurs désaccords comptaient moins que les idéaux qui les unissaient.

Richard regarda un moment les nuages noirs, dans le lointain. Là-bas, il avait commencé à pleuvoir dru…

— J’ai peur que ta façon de présenter la chose soit la bonne, dit-il. En plus de tout, j’ai négligé de fournir à Zedd des informations qui auraient pu lui être précieuses. Et maintenant, il s’est certainement lancé sur la piste des Carillons…

— La Mère Inquisitrice et toi faites partie de mon peuple, et vous avez combattu pour le défendre. Nous savons que vous n’avez pas agi pour nous nuire.

Chandalen se hissa sur la pointe des pieds pour se grandir – car il n’arrivait pas à l’épaule du Sourcier – et prononça le verdict de son tribunal personnel.

— Vous n’êtes pas coupables, et je ne doute pas que vous ferez tout ce qu’il faut pour remettre les choses dans l’ordre.

Richard comprenait parfaitement le code d’honneur de Chandalen, où les notions de « responsabilité », d’« obligation » et de « devoir » jouaient un rôle prépondérant. Même si le chasseur et lui venaient de cultures très différentes, le Sourcier avait été élevé pour respecter ces critères moraux.

Au fond, leurs philosophies étaient-elles si éloignées que cela ? Ils portaient des vêtements qui ne se ressemblaient pas, c’était certain, mais n’avaient-ils pas le même cœur, les mêmes désirs, des espoirs identiques… et des angoisses très similaires ?

George Cypher, le père adoptif de Richard, et Zedd lui avaient enseigné bien des choses que les Hommes d’Adobe tenaient aussi pour des vérités premières. Par exemple, quand on faisait du mal, il convenait de le réparer coûte que coûte…

S’il était normal d’avoir peur – et nul n’aurait eu l’audace de s’en moquer ! –, fuir ses responsabilités était la pire attitude possible. Si involontaire que fût un acte, on l’avait commis, et il n’était pas question de se dérober devant ses conséquences. Il fallait combattre, et résoudre le problème…

Sans Richard, les Carillons n’auraient jamais envahi le monde des vivants. En le sauvant, Kahlan avait déjà provoqué la mort de plusieurs autres personnes. Elle non plus ne reculerait devant rien pour vaincre les Carillons. Ce n’était même pas la peine de lui poser la question.

— Chandalen, honorable ancien, je jure de ne pas avoir de repos tant que les Hommes d’Adobe et tous les autres peuples ne seront pas débarrassés des Carillons. Je renverrai ces monstres dans le royaume des morts, ou je mourrai en essayant.

Le chasseur eut un sourire plein de chaleur.

— Je savais qu’il serait inutile de te rappeler que tu as promis de protéger ton peuple. Mais te l’entendre dire me met du baume au cœur.

Exalté, Chandalen flanqua une formidable gifle au Sourcier.

— Que la force soit avec Richard Au Sang Chaud ! Puisse sa colère faire mourir de peur nos ennemis !

Alors qu’il massait sa mâchoire douloureuse, Richard vit du coin de l’œil que Kahlan et Du Chaillu revenaient. Aussitôt, il tourna le dos à Chandalen pour aller les rejoindre.

— Je n’ai jamais entendu parler d’un guide forestier aussi doué pour se mettre dans le pétrin, souffla Cara, qui marchait à ses côtés. Maintenant qu’elles ont fini de converser, vous pensez avoir toujours deux mariages sur les bras, ou deux divorces ?

— Un seul mariage me suffira, répondit Richard sans se formaliser de l’arrogance de la Mord-Sith.

Elle le taquinait pour alléger l’atmosphère, il le savait très bien.

— Si elles vous laissent toutes les deux tomber, je serai toujours là…

— Merci, mais je n’ai surtout pas besoin d’une quatrième épouse…

Kahlan et Du Chaillu marchaient côte à côte dans les hautes herbes. Au moins, Richard ne vit pas de sang sur leurs visages…

— Ton autre femme m’a convaincue de te parler, annonça la Baka Tau Mana.

» Richard le Sourcier, tu as de la chance de nous avoir !

L’heureux époux préféra ne pas ouvrir la bouche, histoire de se laisser le temps de ravaler les répliques mordantes qui brûlaient d’en sortir.

L'Ame du feu - Tome 5
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